L’Egypte ancienne, pays des énigmes, fascine sans cesse les poètes et les romanciers : les ouvrages qui s’intéressent à la civilisation de ce pays et à déchiffrer ses mystères, sont innombrables. Parmi ces auteurs se trouve Anatole France qui avait l’habitude de voyager en vue de se soulager d’une fatigue résultant d’une œuvre parue. Il a fait deux voyages : le premier en 1896 et le second en 1901. Il est à remarquer que son départ pour le pays des pharaons a eu lieu après l’écriture de Thaïs. Marguerite Lichtenberger nous fournit des renseignements importants ; elle affirme que l’auteur de Thaïs, à la date où il commença à écrire son roman, “était peut-être de ceux qui préféraient voyager en rêve, mettaient ce rêve bien au-dessus de la réalité, et sur ces bases fragiles réussissaient à écrire un chef-d’œuvre.”
Pour savoir à quel degré Anatole France aime et respecte l’Egypte, il serait utile de rappeler les paroles d’Ahmad Rachad. Il désigne que l’auteur de Thaïs a préfacé La voix de l’Egypte, livre écrit par Marguerite Victor en 1919. Il nous en présente quelques lignes expressives dans lesquelles le penseur français s’incline devant la grandeur de la civilisation égyptienne : “l’antique terre de Phtah [...] la mère spirituelle de la Grèce ! ses prêtres, les premiers, ont soulevé le voile où reste caché le mystère du monde.” Ceci confirme l’amour et le respect d’Anatole France pour l’Egypte. Cependant une question s’impose : est-ce que le romancier français a pu dévoiler l’univers mystique de notre pays ? Autrement-dit, l’Egypte ne lui sembla-t-elle qu’un simple décor ? On essaiera de répondre à cette question, en examinant Thaïs.
Avec Thaïs, Anatole France se sent transporté dans les mondes d’autrefois. Il a mis en relief une époque qu’il avait longtemps recherchée et qui nous fait inscrire Thaïs dans “un courant fin du siècle.” Remarquons tout d’abord que l’auteur essaie de nous plonger dans une atmosphère tout à fait égyptienne en divisant son roman en trois chapitres dont les titres sont significatifs: le Lotus, le Papyrus, l’Euphorbe. Ce sont des fleurs et des plantes des bords du Nil. France commence Thaïs en mettant en lumière le désert qui symbolise la mort : terre abandonnée, stérile et pleine d’animaux féroces. Convaincu par le déterminisme du lieu, il essaye de présenter le milieu cruel de son héros; milieu qui aura une influence efficace sur la conduite de Paphnuce. D’après le narrateur : “En ce temps-là le désert était peuplé d’anachorètes. Sur les deux rives du Nil, d’innombrables cabanes bâties de branchages et d’argile par la main des solitaires, étaient semées à quelque distance les unes des autres, de façon que ceux qui les habitaient pouvaient vivre isolés et pourtant s’entraider au besoin.”
Le texte précédent indique clairement que les ermites demeurent longtemps au grand air, sans crainte d’être malades. Ils croient que les blessures contribuent à purifier les âmes. Le pain et le sel constituent leur nourriture essentielle et leur menu quotidien. Les moines ont l’habitude de pratiquer des restrictions nutritives ; les uns mangent un peu chaque jour et les autres restent des semaines sans nourriture. Ils se consacrent à prier et à travailler.